Mon crayon trace les contours d'un corps dénudé étendu sur le sol de l'école, celui d'une étrangère, inconnue à jamais.
Je la dessine, l'observe depuis déjà deux heures, qui s'écoulent lentement, son corps ne suit pas les standards de perfection que la société prêtent.
Pourtant, sa beauté m’interpelle, ainsi que son audace à poser nue face à une classe de pseudo-adultes immatures.
Sous mes doigts, mon crayon 2H trace ses courbes avec légèreté, et mon papier, vieilli par les derniers ratés, devient le témoin de cet instant.
Je l'examine, je la détaille, à la recherche de la perfection sans faille. Deux coups de crayon à droite, sa hanche prend vie, insaisissable. Son courage à être représentée, nue, ne me trompe pas : le corps ne ment jamais, il parle sans fard ni émoi, tout bas.
Une cicatrice sur la cuisse, une marque discrète mais réelle. Son âge m’apparaît — peut-être 35 ans ou davantage — difficile à déterminer. Le professeur dirige les poses, un changement chaque heure, déjà deux poses d' effectuées, puis la dernière de la journée.
Une gorgée de coca, un échange de papier, une taille de crayon, la gomme interdite posée sur la tabouret à coté.
La voilà, debout face à moi, une émotion en frisson. Cachée derrière mon chevalet, je sens une nervosité, son visage, complexe à reproduire, sera-t-il bien saisi ?
Je crains l'échec, c'est certain, je le pressens.
Mon souhait ardent, réussir à la dessiner fidèlement, les traits s'entrecroisent, les minutes s'évanouissent dans l'espace.
Elle se rhabille, c’est l’heure de rentrer.
Un regard d'adieu, une note de gratitude sincère,
Elle s'éloigne, laissant sa trace éphémère, dans mes croquis.
Mon crayon se repose, la soirée se perd dans la pale ombre de Lyon.
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